Les Chemins nous inventent - Philippe Delerm, 1997
Balade automnale avec ce livre à quatre mains et deux regards, écrit et illustré par Philippe et Martine Delerm.
J'aime ce recueil de promenades normandes qui accueille le monde avec le même désir et la même grâce, avec cette égale curiosité pour la beauté, qu'elle soit établie ou non - de la gravité classique des châteaux entraperçus à la marge d'un sentier à l'architecture parfaite d'un champignon au bord d'une allée forestière.
Coulemelles ramassées en forêt de Mayenne, octobre 2017 |
Il y a dans ce livre, à travers les trente-six flâneries qui le composent, la certitude que l'inattendu peut se cueillir dans l'espace quotidien, tout près de soi, et qu'il faudrait être fou, comme certain pigeon de fable, pour partir en "lointain pays".
La Normandie de l'auteur - villes et hameaux, Seine et cours d'eau, plaines et forêts - est alors ce monde toujours nouveau, né des rendez-vous improvisés avec les saisons, avec l'éveil d'une sensation, avec les formes de la lumière, avec les heures solitaires et insolites, avec la paix des choses.
L'écriture y est flexible, souple et riche, propice aux accumulations de touches et de nuances - depuis les après-midis "couleurs de bière" jusqu'aux matinées de coton, comme une toile impressionniste, un paysage à réinterpréter toujours.
Saisissons la vie quand elle passe, composons-nous des souvenirs, inventons-nous au gré des chemins.
Saisissons la vie quand elle passe, composons-nous des souvenirs, inventons-nous au gré des chemins.
Forêt de Mayenne, octobre 2017 |
Septembre nous a rendu cette belle lumière un peu molle qui tient de la pomme, de la poire et du coing, une lumière aux trois fruits d'automne. La sécheresse de l'été nous l'avait annoncé : septembre cette année sera déjà tout autre chose. J'aime bien ces années où la démarcation des jours se fait dès la rentrée des classes ; des pluies, bien sûr, mais aussi de jolies clairières dorées qui leur succèdent. C'est une fin d'après-midi comme ça.
Forêt de Mayenne, octobre 2017 |
Je suis l'allée étroite, c'est toujours un peu Brocéliande quand le cercle de lumière s'éloigne tout au bout, et donne envie d'aller plus loin, plus profond, vers quelque chose à découvrir et qui dort en soi-même. Les fougères hésitent encore entre le roux et le vert pâle. Le sol est fauve. Les pas s'enfoncent délicieusement. Odeur des feuilles, bien sûr, à la fois presque fade et entêtante. Et puis l'odeur des champignons. Les champignons ! C'est le grand souci du moment. Après un été aussi sec, on s'était fait à l'idée de ne pas en trouver du tout."
Forêt de Mayenne, octobre 2017 |
Quel bonheur chaque fois, de découvrir un beau champignon neuf, évident et secret ! Cette soif-là ne s'étanche pas. Elle mène les allées et le plaisir d'automne. "Une rose d'automne est plus qu'une autre exquise", écrivait Malherbe. Est-il permis de dire : "Un cèpe de novembre est plus qu'un autre délicieux" ? Peu de cèpes au demeurant [...] mais tant de ces "mauvais" qui font tout le plaisir des yeux..."
Fontaine-Daniel, octobre 2017 |
Elle aurait bien aimé cette lumière-là. Un ciel presque bleu, mais avec ce léger voile que l'automne pose imperceptiblement sur les regards - au grand soleil de l'après-midi, quelque chose déjà semble pencher vers le soir. La lisière de la saison : les tons d'octobre commençaient à sourdre, un peu de rose-rouge sur les vignes vierges, un peu d'or pâle auréolant de douceur commençante les arbres encore verts. La veille, il avait plu, d'une pluie sauvage et lancinante qui convenait à nos tristesses. Mais ce jour-là, le rendez-vous manqué avait raison de retrouver une harmonie de tons sereines, à peine finissante, un sourire plus grave. Avec un soleil chaud pour sourire au bonheur des autres, avec une brume indécise pour souffrir à part soi, le jour ressemblait à Sylvie.
Fontaine-Daniel, octobre 2017 |
Sur le banc déserté, quelqu'un nous manque dans l'automne."
Aucun commentaire