"Irons-nous voir Ostende ?", Mélodies Démolies, Jeronimo, 2008
Il y a quinze jours, je suis allée à Ostende.
Cette ville a longtemps été pour moi une destination rêvée, un mélange du rouge primaire des clichés d'Harry Gruyaert, des tableaux sombres de Léon Spilliaert et du désœuvrement languide de la chanson de Bashung, portée par les flottements de sa guitare électrique.
Plus tard, d'autres légendes ont continué le décor : la pâleur des paysages de James Ensor, le récit des ultimes retrouvailles de Joseph Roth et de Stefan Zweig, en 1936, avant leur anéantissement et celui de toute l'Europe, et puis l'anecdote du rétablissement quasi-miraculeux de Marvin Gaye, le roi de la soul, venu essoufflé en 1981 pour s'y retaper une santé artistique et mentale.
J'ai découvert par hasard la chanson "Irons-nous voir Ostende?". J'ai retrouvé dans cette longue mélodie planante et dans le texte de cette promenade amoureuse improvisée ce qu'est pour moi Ostende : une grande fenêtre ouverte sur le rêve et l'apaisement.
Irons-nous voir Ostende?
Qu'il brille ou qu'il vente
Irons -nous voir Ostende?
Je passerai te prendre
Avaler l'E40
Alors réponds-moi
Irons-nous voir Ostende?
Ignorer nos âges
Dix mille bières à descendre
Et puis faire sauter la banque
Deviner l'Angleterre
Murmurer de vieux airs
Bien plus haut que le vent
Et puis, s'ensabler en riant
Admirer nos balafres
Rejouer nos gaffes
Réveiller mon flamand
Et puis m'endormir à ton flanc
Tout miser sur que dalle
Dans un afflux de sang
Et puis, claquer tout bruyamment
S'égarer dans les dunes
Faire se marrer la lune
Une rose au monument
Et puis, du pain aux goélands
Retirer nos godasses
Barboter, boire la tasse
T'attraper en courant
Et puis, m'excuser timidement
Ostende, mai 2018 |
Piloter un brise-lames
Et prier Notre-Dame :
Accordez-nous le temps
De grâce, faites de nous des amants
Amarrer le trois-mâts
Endiguer nos pas
S'abriter sous l'auvent
Et puis, moules-frites et vin blanc
Comme des agents secrets
Harponner le tramway
Je replace ton caban
Et puis, tu m'effleures tendrement
Ostende, mai 2018 |
À la toute fin de l'ouest
Lâcher notre lest
Suivre un phare tournoyant
Surtout, saluer les bonnes gens
Le soleil a plongé
Et nos mains sont gelées
Dégivrer la Mustang
Et puis, s'en aller jusqu'à Gand
Te promettre une bague
Refouler les vagues
Dessaouler en rentrant
Et puis t'embrasser finalement
Irons-nous voir Ostende?
Qu'il brille ou qu'il vente
Irons-nous voir Ostende?
Je passerai te prendre
Avaler l'E40
Alors réponds moi
Irons-nous voir Ostende?
Alors réponds moi
Irons-nous voir Ostende?
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