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Au Bonheur des dames, 1883

- Extraits du chapitre IX -


Dans ce onzième volume de la fresque Rougon-Macquart, Zola dépeint l'essor des Grands Magasins parisiens. Sous le ciel de métal du "Bonheur des Dames", dirigé d'une main de maître par Octave Mouret, le spéculateur devenu commerçant démiurge, le lecteur assiste à la naissance d'un nouveau monde tout en démesure. 

Puis, arrivée à la grande galerie, elle leva les yeux.

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

... tout ce fer mettait là, sous la lumière blanche des vitrages, une architecture légère, une dentelle compliquée où passait le jour, la réalisation moderne d'un palais du rêve, d'une Babel entassant des étages, élargissant des salles, ouvrant des échappées sur d'autres étages et d'autres salles, à l'infini.

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

Du reste, le fer régnait partout, le jeune architecte avait eu l'honnêteté et le courage de ne pas le déguiser sous une couche de badigeon imitant la pierre ou le bois.

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

En bas, pour ne point nuire aux marchandises, la décoration était sobre, de grandes parties unies, de teinte neutre ; puis, à mesure que la charpente métallique montait, les chapiteaux des colonnes devenaient plus riches, les rivets formaient fleurons, les consoles et les corbeaux se chargeaient de sculptures...

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

... dans le haut enfin, les peintures éclataient, le vert et le rouge, au milieu d'une prodigalité d'or, des flots d'or, des moissons d'or, jusqu'aux vitrages dont les verres étaient émaillés et niellés d'or. Sous les galeries couvertes, les briques apparentes des voûtins étaient également émaillées de couleurs vives. Des mosaïques et des faïences entraient dans l'ornementation, égayaient les frises, éclairaient de leurs notes fraîches la sévérité de l'ensemble ; tandis que les escaliers, aux rampes de velours rouge, étaient garnis d'une bande de fer découpé et poli, luisant comme l'acier d'une armure.

Boulevard Haussmann, Paris, octobre 2017

Mouret avait l'unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa maison, il lui avait bâti ce temple, pour l'y tenir à sa merci. C'était toute sa tactique, la griser d'attentions galantes et trafiquer de ses désirs, exploiter sa fièvre. Aussi, nuit et jour, se creusait-il la tête, à la recherche de trouvailles nouvelles. [...]

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

Mais son idée la plus profonde était, chez la femme sans coquetterie, de conquérir la mère par l'enfant ; il ne perdait aucune force, spéculait sur tous les sentiments, créait des rayons pour petits garçons et fillettes, arrêtait les mamans au passage, en offrant aux bébés des images et des ballons. Un trait de génie que cette prime des ballons, distribuée à chaque acheteuse, des ballons rouges, à la fine peau de caoutchouc, portant en grosses lettres le nom du magasin, et qui, tenus au bout d'un fil, voyageant en l'air, promenaient par les rues une réclame vivante !

Boulevard Haussmann, Paris, décembre 2017

La grande puissance était surtout la publicité. Mouret en arrivait à dépenser par an trois cent mille francs de catalogues, d'annonces et d'affiches. Pour sa mise en vente des nouveautés d'été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante mille à l'étranger, traduits dans toutes les langues. Maintenant, il les faisait illustrer de gravures, il les accompagnait même d'échantillons, collés sur les feuilles. C'était un débordement d'étalages, le Bonheur des dames sautait aux yeux du monde entier, envahissait les murailles, les journaux, jusqu'aux rideaux des théâtres.

Rue de Mogador, Paris, décembre 2017

Une promenade avec Emile Zola

La Merditude des choses, 2006

(Traduction du néerlandais par Danielle Losman)

Détour littéraire vers la Belgique pour un extrait de ce récit inspiré par la jeunesse de son auteur.

Dans un imaginaire village flamand oublié des guides touristiques, Dimitri vit avec ses trois oncles et son père, quatre fieffés soiffards revenus habiter chez leur mère. Au rythme du rock vieillissant de Roy Orbison, des visites d'huissiers et des records soûlographiques des quatre hommes (ainsi le loufoque Tour de France à boire de l'oncle Poutrel !), le jeune garçon tente de grandir en portant sur le monde qui l'entoure un regard lucide jamais dénué de finesse ni de tendresse. 

Il en résulte un roman drôle et juste, doucement amer et rudement humain, où le sordide des situations coudoie le sublime des émotions, où la faiblesse des hommes nourrit la noblesse de l'écriture.

Voici à lire un extrait du chapitre 9 : revenu d'une cure de désintoxication, le père de Dimitri veut offrir à son fils une paire de chaussures de course, pour participer le lendemain à une compétition locale.

- Le guéri -


Course des écluses, septembre 2017

Des chaussures à crampons. C'est vrai, à cette époque je courais volontiers, avec passion, en général de longues distances à travers champs, et de préférence durant les mois d'octobre et de novembre, lorsque la campagne sent si bon et que les noix jonchent l'herbe. Je n'étais pas un grand talent, mais je courais mieux que la moyenne et il m'est arrivé quelquefois de revenir d'une compétition avec une médaille ou même un trophée, par accident disons, lorsque les meilleurs déclaraient forfait.

Course des écluses, septembre 2017

L'athlétisme est le sport par excellence de celui qui ne possède pas grand-chose, pas besoin d'installations. On peut courir partout, gratuitement. La grande championne Zola Budd a montré à cette époque que même pieds nus on peut pulvériser des records et toute une génération d'Éthiopiens et de Kényans sont montés au créneau, prônant la pauvreté plutôt que les chaussures à crampons aux jeunes aspirants coureurs de fond, ce qui ne m'a pas empêché d'être fou de joie de mes nouvelles chaussures. 

Course des écluses, septembre 2017

Les possibilités étaient là, et peu de conditions restaient à remplir, j'aurais pu, aujourd'hui, avoir été un coureur pas trop minable. Mon endurance était bonne, même très bonne si l'on m'accorde ce manque de modestie, et c'est sans rancune que je constate aujourd'hui que je ne pourrais plus avaler cinq kilomètres en moins d'une demi-heure. Du moins, je le suppose, car je ne songe plus depuis longtemps à me commettre en short sur les pistes. La seule idée de quitter la maison en short est déjà trop lourde à porter, alors courir dans ce costume en plus...

Course des écluses, septembre 2017

Ce n'est que plus tard, lorsque j'ai lu le livre le plus célèbre d'Alan Sillitoe, The Loneliness of the Long-Distance Runner, que j'ai compris que c'était dans la logique des choses d'avoir été un enfant coureur de fond. Courir était le sport des internats, des orphelinats, des maisons de correction et des institutions pour jeunes où je devais finir par atterrir. Les écoles étaient fières des exploits sportifs de leurs pensionnaires et liaient volontiers leur nom et leur réputation au vainqueur, comme si leur enseignement et leur discipline ringarde avaient contribué à le fabriquer. Pas étonnant que j'aie déclaré chaque fois forfait lors des championnats interécoles, tout comme le personnage principal du roman j'étais horrifié à l'idée d'offrir à mon établissement la coupe de la victoire.

Course des écluses, septembre 2017   

Courir était en outre l'héritage sportif de mon père."

Une promenade avec Dimitri Verhulst

Poèmes, 1861-1865

(Traduction de l'anglais par Pierre Messiaen)

Ivresse du grand air et de la vie dans ce poème écrit par celle que la maladie, l'éducation et la profonde mélancolie tinrent pourtant recluse de nombreuses années.

I. LA VIE


Sainte-Suzanne, août 2017


20

Je goûte, dans des pots de perle ciselée,
Une liqueur qui n'a jamais été brassée ;
Tous les tonneaux du bord du Rhin
Ne donnent pas un tel alcool !

Sainte-Suzanne, août 2017

Je suis enivrée d'air,
Gorgée de rosée,
Trébuchant, à travers des jours d'été sans fin, 
Dans des auberges d'azur liquide,

Sainte-Suzanne, août 2017

Quand les aubergistes mettent l'abeille soûle
À la porte de la digitale,
Quand les papillons renoncent à leurs rasades,
Moi je ne fais que boire davantage !

Sainte-Suzanne, août 2017

Jusqu'à ce que les séraphins agitent leurs chapeaux de neige
Et que les saints accourent aux fenêtres
Pour voir la petite biberonne
Appuyée contre le soleil !

Sainte-Suzanne, août 2017

Une promenade avec Emily Dickinson